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LA DOUBLE MAÎTRESSE

lui qu’il habita Paris. Ici, ni M. de Kerbis qui, depuis cinquante ans, sait toute la ville, ni M. Laverdon qui, un demi-siècle, a coiffé toutes les têtes de qualité, n’en ont ouï parler. Quant à ma mère, elle n’en veut rien dire, et c’est un miracle si j’ai pu tirer d’elle votre nom. Aussi, Monsieur, jugez de ma surprise et de ma joie quand vous me dites, tout à l’heure, en passant à table que vous aviez beaucoup connu M. de Galandot, et pensez à ma gratitude si vous voulez bien m’aider à me figurer cet oncle presque imaginaire.

— Rassurez-vous, Monsieur, votre oncle fut, répondit en souriant l’abbé, et j’eus même l’honneur d’instruire sa jeunesse en ce beau château de Pont-aux-Belles qu’il vous a laissé sans doute. J’y fus appelé jadis auprès de M. de Galandot. C’était un jeune homme traitable et doux et je me demande pourquoi Madame votre mère, que j’y vis alors fort petite, a voulu ainsi oublier à dessein son cousin Nicolas ; mais cela ne nous importe point. Ma tâche fut aisée ; je parvins à former en lui un élève pieux et discret. La pureté de ses mœurs égalait la douceur de son caractère. Il n’était point étranger aux bonnes lettres et je ne doute point qu’en tout temps votre oncle n’ait conformé sa vie aux fortes règles de conduite dont nous avions pris soin de le nourrir. Mais les événements m’empêchèrent d’assister au spectacle de mon œuvre. Notre évêque, M. de la Grangère, m’emmena à Rome. Je voyageai. Puis, un jour, mes lettres restèrent sans réponse. Le temps