Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
LA DOUBLE MAÎTRESSE

haha. D’ailleurs le souper finissait. L’odeur des vins et des mets avait encore alourdi l’extrême chaleur. Tout le monde parlait à la fois, au point que les propos se croisaient sans se répondre. M. Garonard dessinait sur du papier des figures libres qui passaient de mains en mains. M. de Bercherolles faisait tinter l’or de ses poches. M. de Saint-Bérain chantait ; Mlle  Varaucourt commençait à se débrailler et faisait carillon avec les assiettes. M. de Parmesnil parlait chinois pour lui tout seul. M. de Clairsilly avait pu sortir, mais ses jambes ne durent pas le porter loin. La petite chatte blanche de Mlle  Damberville se promenait sur la table avec précaution, rôdant à travers la verrerie et tournant autour du surtout des fleurs où, de temps à autre, d’un coup de patte furtif et prompt, elle déchirait une des roses ébouriffées dont les pétales pleuvaient mollement sur la nappe.

Le désordre dura assez longtemps ; enfin, quand il fut à son comble, la danseuse fit un signe à M. de Portebize, et tous deux disparurent suivis sur les talons par la chatte blanche qui se glissa à leur suite. Personne ne prit garde à leur sortie. L’abbé Hubertet dormait, sa grosse tête tombait à droite et à gauche sur son épaule. Il ne se réveilla même pas à l’effondrement de Gurcy roulant sous la table autour de laquelle M. Thomas Tobyson de Tottenwood, cramoisi en son habit rouge, mais solide encore sur ses larges pieds, portait à bout de bras Mlle  Varaucourt, retroussée jusqu’aux hanches et la cuisse à l’air.