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LA DOUBLE MAÎTRESSE

ment où il prenne le sien. La nature vous a donné une grâce charmante à qui l’art ajoute ses attraits. Vous avez en vous tout ce qu’il faut pour triompher. Il me semble entendre déjà s’accorder les violons. Ah ! Mademoiselle, que je me réjouis donc de vous voir en ces Égarements champêtres où vous allez paraître, demain ! J’imagine la lumière, la musique et toutes les mains levées pour vous applaudir. »

À mesure que M. de Portebize parlait, le visage de Mlle Fanchon semblait suivre ses paroles ; ses petits pieds trépignaient. Elle recula à pas légers vers le fond de la chambre.

Mlle Fanchon dansait.

Elle obéissait à un rythme muet qui guidait ses mouvements. Elle exécuta d’abord un pas gracieux comme si elle allait au-devant de quelqu’un. Entre deux doigts, elle pinçait délicatement son jupon et le relevait sur ses jambes agiles. Puis elle se rejetait en arrière avec surprise. Elle hésitait. Elle avançait avec une coquette lenteur pour écouter timidement l’aveu d’un berger invisible dont ses gestes semblaient modérer l’ardeur. Son corps souple accomplissait en mesure mille choses charmantes. Elle feignait de cueillir une fleur, de traire ses brebis, de remplir une corbeille, de puiser de l’eau. Elle était tour à tour curieuse, attentive, volage et passionnée.

Quand elle s’arrêtait, on l’entendait respirer, puis elle repartait, remplissait toute la chambre du tourbillonnement de sa légèreté. Ses pas effleuraient le plancher ou parfois le frappaient du talon d’un