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Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/272

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LA DOUBLE MAÎTRESSE

et vaporeuse sous un ciel fluide, tantôt nette et comme sculpturale dans l’air transparent. Les dômes, les clochers et les campaniles s’élevaient de la masse confuse des maisons. De grandes ruines fauves et décharnées y montraient comme l’ossature de la vieille Rome et y dessinaient le squelette de pierre de son antique grandeur. M. de Galandot regardait, appuyé sur sa canne, la vénérable cité dont le nom lui était apparu dès l’enfance aux livres qu’il lisait avec le bon abbé Hubertet ; puis, à grands pas, de ses souliers à boucles de cuivre, il en foulait le sol illustre et chaud encore des vestiges de son passé.

Ces restes à demi enfouis ou toujours debout avaient eu des sorts divers. Le temps leur avait trouvé des usages nouveaux ; l’église s’était accommodée du temple ; l’échoppe s’accotait à la base du piédestal. La croix, au centre des places, surmontait les obélisques ; les bas-reliefs encastrés dans les murs les consolidaient de leurs fragments sculptés. Des thermes immenses, écroulés, couvraient de leurs débris plusieurs arpents. Un cirque gigantesque livrait aux carriers la mine de ses blocs. Des colonnes, prises jusqu’au cou dans l’exhaussement du terrain, s’étaient rapetissées en bornes. La terre bouchait l’arcade des arcs de triomphe. Des quartiers entiers, jadis populeux, n’étaient plus que jardins. Les vignes couvraient le Janicule.

Ces verdures étaient le grand charme de Rome, avec ses eaux que les aqueducs déversaient aux