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LA DOUBLE MAÎTRESSE

réservoirs. Elles jaillissaient en d’innombrables fontaines.

On en trouvait de toutes sortes, qui donnaient une nappe, une gerbe, un jet ou un filet. Par la conque des Tritons, elles éclaboussaient la croupe de bronze des chevaux marins ou, par la bouche d’un mascaron, elles remplissaient une vasque ébréchée. Il y en avait d’humbles et de pompeuses, de bruyantes qui grondaient, de mélancoliques qui pleuraient, solitaires, à l’écart, et presque silencieuses. La fontaine de la place Navone s’anime d’un édifice prodigieux de statues, d’animaux et de rochers ; la Pauline figure un arc de triomphe qui a pour portes la chute cristalline de trois nappes d’eau perpendiculaires. Une autre montre des tortues, mais c’est à celle de Trevi qu’il faut boire en quittant la ville. On voit dans le bassin les pièces de monnaie qu’y jettent au départ les voyageurs pour s’assurer du retour.

M. de Galandot prenait plaisir à les visiter ; il s’arrêtait devant elles et écoutait leurs murmures divers, sans que personne songeât à le troubler en cette occupation inoffensive, tant la curiosité habituelle des étrangers a rendu communes aux passants des façons qui, ailleurs, eussent pu paraître singulières ou bizarres.

Du reste, Rome se prête admirablement aux goûts de promenade et de solitude. Rome est double. On peut, à son gré, s’y isoler de tout et s’y mêler à beaucoup de choses, y vivre au centre des affaires ou en dehors des ambitions. Tout s’y sait à la fois ou s’y ignore. On y peut fréquenter