Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/305

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Au loin et en face de lui les hauts arbres du Pincio se dressaient immobiles et distincts.

C’est de ce côté qu’il se dirigeait ; l’idée lui était venue de retourner au terrain qu’il avait acheté, en arrivant à Rome, par l’intermédiaire du banquier Dalfi et où, en faisant fouiller le sol, il avait trouvé la grande urne en bronze vert de l’abbé Hubertet. Cet enclos était situé hors des murs, près de la porte Salaria. Il consistait en un espace inculte, planté de quelques cyprès au milieu desquels se voyait encore un pan de vieux mur éboulé. M. de Galandot s’assit à son ombre étroite. Des fouilles entreprises, il restait une sorte de grand trou ouvert, auprès duquel gisait une pioche abandonnée. Une bêche plantée à côté se tenait toute droite dans l’entaille du sol durci. Les pointes acérées des cyprès luisaient sur le ciel d’un bleu cru.

M. de Galandot s’était approché du trou. Un peu de terre effritée y tomba. Un pigeon invisible roucoula et, tout à coup, par un brusque retour de mémoire, M. de Galandot se revit debout auprès de la fosse où on avait enterré jadis le vieux jardinier Hilaire. Il se crut dans le petit cimetière de Pont-aux-Belles. Cela dura un instant qui fut prompt, inattendu. Le pigeon qui avait roucoulé s’envola avec un gros bruit d’ailes. L’illusion cessa, mais elle avait été si vive et si certaine que M. de Galandot en demeura tout troublé, d’autant plus qu’il ne pensait jamais au passé de sa vie d’autrefois. Elle avait cessé en lui le jour où, toutes les clés de toutes les