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LA DOUBLE MAÎTRESSE

hotte au dos, venaient à Pont-aux-Belles pour quelque affaire de bail ou de loyer, Mme  de Galandot savait leur parler avec autorité. Elle obtenait d’eux ce qu’ils se présentaient pour demander d’elle. Aussi l’admiration du comte pour Jacqueline était-elle sans bornes et sans mélange, d’autant plus qu’il connut sa femme toujours belle.

La comtesse l’était quand il l’épousa, elle l’était quand, après plusieurs années de mariage, naquit leur fils Nicolas. Son dernier regard la vit telle encore lorsqu’il mourut assez subitement pour être resté trop longtemps, un jour d’été, au gros soleil, chapeau bas et debout auprès du cadran solaire, entre les miroirs d’eau, à y voir venir midi.

On était en 1723, Mme  de Galandot avait juste trente-neuf ans, et le petit Nicolas finissait sa septième année.

Les obsèques du comte de Galandot, comme toute sa vie, furent bien réglées. On y vint d’alentour, et la noblesse de la province tint à saluer une dernière fois un de ses meilleurs gentilshommes. On défila dans les salons drapés de noir, devant la veuve en grand habit. Il y eut une chapelle ardente avec une herse de cierges. Les paysans portèrent à bras et sur leurs épaules le cercueil de M. le comte. On psalmodia ; les chantres nasillèrent. La petite église de Pont-aux-Belles, qui ne s’emplissait d’ordinaire que de l’odeur rustique des villageois, connut le parfum musqué des dames en atours de deuil.

La tribune fut trop étroite pour les contenir. On s’installa comme on put avec un froufrou de