Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/320

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figurait en belle place à l’étalage. Elle se prêtait de bonne grâce aux choix prudents et lucratifs d’Angiolino, et ce fut par lui que la belle Romaine vit passer en ses draps les étrangers les plus divers.

Elle coucha avec des Anglais dont la peau laiteuse et blanche contrastait singulièrement avec le teint sanguin et rougeâtre. Il y en avait de vigoureux qui répandaient une odeur de viande fraîche et de saine boucherie. D’autres, longs et maigres, allongeaient à côté d’elle des carcasses osseuses et un petit souffle court. Quelques-uns, obèses, pesèrent de leur poids charnu sur sa poitrine ferme. Elle aimait assez les Allemands ; ils sont bonaces ou rudes, tandis que les Espagnols portent dans l’amour même une morgue quinteuse. Quant aux Français, presque aucun ne quittait Rome sans avoir passé par les bras d’Olympia, car ils ne voyagent guère sans demander à chaque pays l’hospitalité amoureuse de ses courtisanes. D’ordinaire, tout se passait bien et en bon ordre chez Olympia. On y trouvait un plaisir discret et sûr, car Angiolino détestait le bruit et le tumulte et tout ce qui attire les sbires et les argousins. Il savait pourtant risquer quelque chose, quand l’affaire en valait la peine, même au prix de suites désagréables, comme il arriva au sujet de ce jeune seigneur russe qui ne sortit de chez Olympia que les poches vides, car Angiolino n’ignorait aucun des artifices du jeu et aucune des pratiques par lesquelles on allège les pontes imprudents. Il les mit en œuvre envers le naïf boyard qui, après