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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Dès son jeune âge, Hubert de Mausseuil s’était montré paillard et ivrogne et par suite brutal, car le vin et le désir portent l’homme au mépris de soi-même et des autres. M. de Mausseuil se méprisa beaucoup, car il ne cessa de boire et de forniquer. Son existence fut toute de basses ripailles et d’amours ordurières, prises n’importe où et sans aucun choix ni aucune retenue. Viveur débraillé et cynique, il portait beau la crapule de sa vie. Marié une première fois, peu après la mort de son père, à une jeune bourgeoise, Lucienne Valtard, fille d’un certain Valtard, sieur de Lantrelon, qui sortait d’être vilain et prétendait à être noble, il la séduisit par sa mine de hobereau et par ses airs de seigneur. Sitôt en ses mains, il la traita durement et la battit jusqu’à ce qu’elle rendît l’âme, ce qu’elle fit après quatre ans de mariage, c’est-à-dire vers l’an 1717.

Le veuf s’aperçut à peine de cette mort et continua son existence forcenée, furibonde et triviale, sans s’occuper d’autre chose qu’à vider des futailles et à poursuivre des filles. Ce ne fut qu’à cinquante-sept ans, en 1731, qu’il épousa en secondes noces, la demoiselle Anne de Bastan. Rien ne put détourner cette personne charmante, paisible et douce, de risquer le sort de la pauvre Lucienne Valtard. Ni ce qu’elle apprit de M. de Mausseuil, ni ce qu’elle en put voir, rien n’y fit. Mlle  de Bastan l’aimait.

Il avait encore de quoi se faire aimer, car il lui demeurait des restes imposants de bel homme, haut de taille et fort en couleur et jovial après