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LA DOUBLE MAÎTRESSE

tout quand il lui arrivait de n’être pas furieux de vin et de luxure. Rien donc ne rebuta la tendre et délicate demoiselle, pas même, quand il la venait voir au Fresnay chez les parents qu’elle y avait en M. et Mme du Fresnay, qu’il s’endormît dans son fauteuil la perruque emmêlée, le vêtement débraillé, la langue lourde et l’haleine vineuse. Elle l’aima et l’épousa, orpheline d’ailleurs et libre d’elle-même.

M. de Mausseuil, flatté de la passion qu’il inspirait, parut d’abord s’amender. Il corrigea l’ordinaire désordre de ses habits, diminua ses rasades et laissa en repos les gottons de cabaret, les bergères des pâturages et les laveuses de vaisselle dont il était coutumier. Le mariage vint. M. de Mausseuil sembla de jour en jour s’affermir en ses bonnes dispositions. Mme de Mausseuil devint grosse et mit au monde une fille à qui l’on donna le nom de Julie.

Mme de Mausseuil se remettait lentement de ses couches. L’enfant prospérait. On lui avait donné pour nourrice une chèvre et on avait pris pour soigner la bête et la mener paître une espèce de petite mendiante contrefaite qui rôdait souvent autour de Bas-le-Pré et à qui Mme de Mausseuil faisait l’aumône et s’intéressait. La malade ne quittait pas encore sa chambre. Mausseuil, aux petits soins, y passait de longues heures auprès d’elle et il fallait qu’elle le forçât à sortir et le conjurât de prendre quelque exercice, lui voyant le visage rouge et les mains gonflées de veines bleues.

Un soir, au crépuscule, que son mari était sorti