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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Insurmontable même au succès de la lyre,
Qui s’élève au-dessus du ton commun de dire,
Comme on dit en famille, en conversation,
Prodigue du tour neuf et de l’inversion,
L’un et l’autre proscrits par la rustre ignorance,
Par elle regardés comme une extravagance.
Oui, l’ignorance, ici, doit restreindre un rimeur,
Ou, s’il est obstiné, doit lui porter malheur.
Pour l’ignorant lecteur, obscur, impénétrable,
Il est qualifié d’insensé, d’exécrable ;
On vous l’envoie au diable, à la maison des fous.
Particularisons : où trouver, parmi nous,
Qui ne confonde point le granit et le marbre ;
Qui sache distinguer, sur la plante ou sur l’arbre,
Style, pétale, anthère, étamine, pistil ;
Qui du même œil ne voie émeraude et béryl ;
Qui de l’ordre toscan distingue l’ionique,
Le convexe du plan, le carré du cubique ;
Qui ne confonde point la bise et le zéphyr,
Le pôle et l’équateur, la zone et le nadir ;
Qui n’ignore comment se soutient notre terre ;
Pour qui le moindre effet ne soit un grand mystère ?
Pourtant, je ne veux point, d’un style exagéré,
Dire, avec un auteur, que tout est empiré ;
Que les premiers colons, nos ancêtres, nos pères,
Furent, bien plus que nous, entourés de lumières ;
Qu’ils apprenaient bien mieux le latin et le grec ;
Que les arts florissaient beaucoup plus dans Québec
Suivant moi, ce langage est loin d’être orthodoxe ;
Et, pour mettre à néant ce hardi paradoxe,
Il n’est aucun besoin d’un long raisonnement.
Un regard en arrière, un coup d’œil le dément,
Il suffit de savoir que, sous notre ancien maître
Louis, nul imprimeur ici n’osa paraître ;
Qu’on n’y faisait, vendait ni livre, ni journal :
Voyez, à ce sujet, quelques mots de Raynal ;
L’exagération à part, on l’en peut croire.
Avant lui, Charlevoix offre, dans son histoire,
D’une ignorance étrange un exemple frappant :
Un mal épidémique, inconnu, se répand,
Met aux derniers abois tous les colons qu’il frappe
Ainsi qu’en pareils cas, aux enfants d’Esculape