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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Quand, d’un brutal époux, dans la lune éclipsée,
L’ignorance leur montre une épouse blessée.
Il est vrai qu’à l’aspect de ces astres brunis,
Nos peuples ne vont pas, par la peur réunis,
Et dévots, jusqu’au cou plongés dans les rivières,
Au Ciel pour leur salut adresser des prières ;
Ou pour en éloigner un horrible dragon,
Et battre du tambour et tirer du canon.
Non, mais combien encore, à l’aspect des comètes,
Se sentent inspirés, et deviennent prophètes ?
Comme on dit au pays, prophètes de malheurs,
Troublant leurs alentours de leurs folles terreurs ?
Combien d’autres, voyant l’avenir dans leurs songes,
Sont faits tristes ou gais par d’absurdes mensonges ?
Des superstitions le mode est infini.
Pourtant, ne faisons point un tableau rembruni :
Bientôt, nous jouirons d’un horizon moins sombre ;
Déjà, des gens instruits je vois croître le nombre ;
Déjà, Brassard, suivant les pas de Curateau,[1]
Donne au district du centre un collège nouveau.
Et, si mon vœu fervent, mon espoir ne m’abuse,
Ou plutôt, si j’en crois ma prophétique muse,
(Une déesse, un dieu peut-il être menteur ?)
Ce noble exemple aura plus d’un imitateur.
Je crois même entrevoir, dans un avenir proche,
Le temps, où, délivré d’un trop juste reproche,
Où par le goût, les arts, le savoir illustré,
Comptant maint érudit, maint savant, maint lettré,
Le peuple canadien, loué de sa vaillance,
Ne sera plus blâmé de sa rustre ignorance ;
Où, justement taxé d’exagération,
Mon écrit, jadis vrai, deviendra fiction.

M. Bibaud.

1820.

LE BERGER MALHEUREUX.

Une monstrueuse bête
A dévoré mon troupeau.
On m’a ravi ma houlette
J’ai perdu mon chalumeau.

  1. M. Brassard, fondateur du collège de Nicolet, et M Curateau,
    fondateur du collège de Montréal.