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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

ser, il se parle à lui-même, se déchaîne contre le Tout-Puissant, et s’indigne de l’abaissement qu’il est obligé de subir, en entrant dans le corps d’un animal rampant. Enfin il s’empare d’un reptile qu’il trouve endormi. Pendant ce temps, Ève s’adresse à son époux, lui parle de ses fleurs et du travail qu’elle y consacre ; elle fait aussi quelques réflexions sur l’insipidité des choses qui ne sont pas acquises par le travail. Adam lui répond qu’il partage ses sentiments ; toutefois, il lui fait entendre qu’il craindrait de la voir s’absenter, à cause de Satan, qu’il connaît dans l’intention de la tenter : enfin il la supplie de demeurer continuellement avec lui. Ève, aussi surprise qu’affligée de la défiance d’Adam, lui répond qu’elle connaît bien les dangers qu’elle peut courir étant seule ; mais qu’elle se croit assez de prudence pour s’en tirer : elle lui fait part du chagrin que lui cause son peu de confiance en elle. Adam lui demande en réponse si elle connaît la ruse et le pouvoir de l’ange tentateur : il lui rappelle les esprits célestes qu’il a changés en démons par ses artifices.

Ève se voyant toujours taxée de faiblesse, laisse voir une douleur manifeste de ce qu’elle ne peut sortir impunément, et Adam vaincu par ses plaintes, consent à ce qu’elle s’absente, en lui recommandant de faire usage de sa raison en cas de péril. Ève part en assurant Adam qu’elle se croit capable de résister aux tentations de l’ennemi, et l’ennemi, sous sa figure empruntée, ne tarde pas à la voir. Il admire sa beauté, qui adoucit pour un moment sa fureur ; mais bientôt sa rage se rallume ; et il s’excite à profiter de l’occasion que lui offre une femme dénuée de toute protection. En s’occupant ainsi avec lui-même, il s’avance vers la mère des humains ; il la regarde, et finit par lui adresser la parole, en lui faisant un discours plein de louanges passionnées. Ève, étonnée de lui entendre articuler des sons humains, lui demande comment il se fait qu’il puisse ainsi exprimer ses pensées par la parole. Le traître lui répond dans un langage insidieux, que c’est l’effet d’un fruit qu’il avait cueilli sur