Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


1837.

AU PEUPLE.

 
Gémis, peuple, gémis ; augmente ton supplice.
Ta pensée est aux fers, ceints ton corps de cilice.
Ton âme souffre, eh bien ! que ta chair souffre aussi,
C’est le plaisir du roi, le roi le veut ainsi.
Comme une autre Pologne, ouvre ton flanc qui saigne,
Ouvre-le largement que du moins on s’y baigne ;
Et la croix sur l’épaule et la mort dans le cœur,
Monte, monte au calvaire, où t’appelle ta sœur.
Quand le crasseux richard vient demander l’aumône,
C’est du sang qu’il lui faut, c’est du sang qu’on lui donne,
Il te sied bien, vraiment, de vouloir être heureux !
Endure tes tyrans encore un jour ou deux,
Laisse donc ces vautours, privés de nourriture,
Trouver où dévorer quelque part leur pâture,
Se gorger de ta chair, en sucer jusqu’aux os,
Et rendre à leurs petits ta carcasse en lambeaux.

Quand l’hiver au foyer près du feu qu’on tisonne,
On jouit des douceurs que la fortune donne,
Et que l’œil fastueux contemple avec fierté
La pompe des lambris dont il est fasciné ;
Tandis qu’à ses regards l’horizon de la vie
Est chargé d’azur, d’or, de roses, de féerie,
Le pauvre, lui, ne voit dans l’éclat des splendeurs,
Qu’un sarcasme outrageant qui fait couler ses pleurs.
Gisant sur des haillons qu’abrite une mansarde,
L’orphelin désolé, quelque part qu’il regarde,
Ne voit plus maintenant, comme autrefois, la main
Qui berçait son enfance et lui donnait du pain.
Eh bien ! tu vois là, peuple, à la fois ta souffrance,
Et de tes oppresseurs l’insolente opulence.

Écoute : un autre peuple asservi comme toi,
Comme toi languissait sous le sceptre d’un roi :
Il était jeune aussi. Plus fort que lui, son maître
Croyait dans son pacage à jamais pouvoir paître.
Mais l’aiglon devint aigle, et prenant son essor,
Il brisa d’un coup d’aile un joug pis que la mort.