Vois-tu bien ce géant, là-bas, qui se dessine,
Sur un fonds de couleurs où le rouge domine ?
Regarde bien, il couvre un coin de l’horizon,
Et dans sa main de fer qu’il suspend sur nos têtes,
Il tient, au bout d’un fil usé par les tempêtes,
Les foudres des lords d’Albion.
On dit qu’un jour dans son repaire
Il lui vint une odeur de sang ;
Soudain comme un dogue qui flaire,
Il s’élance, il court sur le vent :
Les ongles tendus sur sa proie,
Qu’il lèche en frémissant de joie ;
Souillé de meurtres, l’œil hagard,
Là, toujours debout, à ta face
Ce monstre convoite et menace
Ton avenir de son regard.
Mais vois tout près de toi ce bel ange femelle,
Le même qui couvait sous les plis de son aile
L’œuvre de tout un siècle accomplie en trois jours.
En attendant notre heure, errant sur un nuage,
Il aiguise son glaive et détourne l’orage
Qui va se grossissant toujours.
Mais, silence ! une voix sonore
Pour tout un peuple retentit.
Écoutez, je l’entends encore,
Oui, c’est lui, c’est l’ange qui dit :
Peuple ! ces terres que féconde
Le fleuve le plus beau du monde ;
Ces montagnes, ces lacs, ces ports,
Ces prés que ta main fertilise ;
Puis tes mœurs, tes droits, ton église,
Veux-tu conserver ces trésors ?
Crois en moi : car je suis le culte
Au creuset duquel les tyrans
Ont vu se retordre l’insulte
Dont ils flétrissaient mes enfants ;
Crois en moi : car je suis l’égide
Où leurs complots liberticide
Viendront se briser en éclats ;
Crois, et tu verras leur bannière
Saluer l’aigle populaire
Ou se déchirer sous tes pas.
Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/365
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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.