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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

1815.

LA ROSE ET L’IMMORTELLE.

FABLE.


…Une rose vermeille,[1]
D’un monde séducteur méconnaissant le cours.
Et se croyant la huitième merveille,
Tenait à peu près ce discours :
« Oui, j’ai reçu du ciel cette douce influence
« Qui quelquefois préside à la naissance.
« Pour moi, prodigue de faveurs,
« La nature a tout fait : éclat, vives couleurs,
« Bel incarnat, fraîcheur incomparable,
« Et jusqu’à ce parfum d’une odeur délectable.
« Semblable à l’aliment des Dieux
« Que la Mère des grâces,
« En descendant des cieux,
« Répandait sur ses traces.
« Du côté des grandeurs,
« (Ce n’est point un délire)
« La déesse des fleurs
« Ne m’a-t-elle pas fait maîtresse d’un empire ?
« Que me manque-t-il donc ? un amant ?…le zéphyr
« Dedans mon sein de pourpre entr’ouvert au plaisir
« Ne me souffle-t-il pas son amoureuse haleine ?
« Violettes, jasmins, superbes lis, œillets,
« Renoncules, lilas, vous êtes mes sujets ;
« Courbez vos têtes, fleurs, saluez votre Reine. »
L’Immortelle entendit ce discours insensé,
Qui ne pouvait sortir que d’un cerveau blessé :
« Pourquoi faire, dit-elle, un si grand étalage
« De tous ces agréments séduisants et légers ?
« Ce sont des éclairs passagers
« Qu’on voit étinceler à travers un orage ;
« Quoique vous en disiez, les grandeurs, la beauté,
« Ne valent pas le don de l’immortalité.

  1. Nous avons retranché la première partie de cette fable qui ne se rattachait
    nullement à son sujet.