Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/152

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ni cette Dame, ni leur Fille, comme les deux Premiers jours. Tiénnette même eſt avec ſa Maitreſſe. Il y-a quelque-chose là-deſſous qui m’inquiète ét me-trouble ; dès que ma chère Manon me-laiſſe à moi-même, je tombe dans une melancolie quasi-inſurmontable…, Faut-il te l’avouer ? votre manière-d’aimer à Fanchon ét à toi me fait-envie. Je l’ai ſous les ïeus en-t’écrivant, cette charmante Fille, qui doit être bientôt ma Sœur : Je lui dis que je t’écris… Il faut que je l’engaje à te mettre un mot de ſa main… Elle ne l’ose pas. Ô pudeur aimable ! elle refuse un mot, quoique je l’aſſure qu’il donnera un nouveau prix à ma Lettre : mais ma Mère viént d’entrer ; qui le lui commande : Lis donc, chèr Frère, ét baise ces traits cheris :

Pierre, excusez-moi, ſi je vous ose écrire ; mais c’eſt votre bonne Mére qui l’a-voulu, ét je le fais par pure obeiſſance. Vous êtes tout-ſeul à-present, ét vous avez toute la peine : menagez-vous, je vous en-prie, car je ſais comme vous étes, ét comme vous-vous-tuez de travail : votre bonne Mere n’eſt plus-là pour voir ſi vous avez-chaud en-arrivant, pour vous donner un-verre-de-vin, ét vous faire-changer : Il ne me-conviént peut-être pas d’en-tant dire ; mais ſi je ſuis bién-aise qu’on me-commande de vous écrire ces lignes ; c’eſt principalement parceque j’ai l’occasion de vous mander ça. Je vous ſalue, Pierre, ét vous ſouhaite un beau-temps ; car ça rend les travaus moins-rudes de-moitié.

F-B.