Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/178

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toi prudemment, à-celle-fin de ne te pas faire d’ennemis : prens les conſeils du bon p. D’Arras. Urſule eſt diſcrette ; elle ne m’a-rién-dit à moi-même, parcequ’elle ne ſe doute pas que je ſuis au-fait ; ét quant à nos autres Frères-ét-Sœurs, ils ignorent tout. Je t’embraſſe d’un cœur veritablement fraternel, ét desire que tu ſais biéntôt avec nous ; ſi-pourtant c’eſt ton vouloir.


33.me) (Edmond, à Pierre.

[Voici la première Lettre où la ſincerité manque en-grande partie.]

1750.
1 novembr.


Non, chèr Aîné, je ne jouirai plus du bonheur de vivre à la campagne : le ſort en-eſt-jeté ; J’aime toutalafois la Ville, ét je la deteſte : mais… je ſens que je ne puis la quitter ;… c’eſt une chose impoſſible, à-present, ét j’y-ſuis pour toujours. En-efet, m’y-voila retenu par mille liéns, tous ſi-forts, que rién ne peut les rompre. Si je cherche la cause de mon goût pour la Ville, je la trouve dans la politeſſe, plus-agreable que la cordialité ; dans la grâce des manières ; nos Elegans-de-campagne ne ſont ici que ridicules : il resulte delà, qu’on ſ’accoutume inſenſiblement à ſe-mettre-audeſſus d’eux : il y-a-plûs, un Homme de Ville qui aura-ſejourné quelque temps au Village, ſemble, à ſon retour, reconnaitre cette ſuperiorité des Citadins ; il paraît plus-timide, moins-aſſuré, juſqu’à ce qu’il ſe-ſait-remis au-courant. De-là, cette invincible