Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/235

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Manon ſera-debarraſſée du fardeau…, je penſe que je ne l’aimerai pas moins, que ſ’il ne fû-jamais-rién-arrivé. Tes principes ſont-excellens, chèr Mentor, ét je les goute plûſ-que jamais ; tout-cela n’eft qu’idées ét prejugés. Tu m’as-fait-connaitre tant de Fammes dans le cas de la miénne, ét dont pourtant les Maris ſont ſi-tranquils ! tant de Filles que leurs Amans craient des Lucreces ! tant de vertus qui ſe-perdent, ét qui chaque-jour renaiſſent de leurs cendres ! qu’enverité je dois-être tout-conſolé de mon petit-malheur. C’eſt à toi, chèr Mentor, que je dois toute ma tranquilité… Mais ſais-tu que tu es bién-mechant ! Je te ſoupçonne de quelques vues endeſſous : ſerais-tu amoureus de ma Famme ? m.r Parangon a-voulu me donner à ton ſujet quelques doutes… mais l’excès de la calomnie en-detruit la vraiſemblance : tu m’entens ? Quant à ton conſeil, ma Nouvelle-épouse ne t’aurait pas d’obligation de l’eſpèce de vengeance que tu me ſuggères ! cependant ton idée de la peine du talion eſt vraiment plaisante… Je t’avais-cru l’ami du Grand-dormeur ? (c’eſt un nom que nous lui donnons entre nous, parcequ’il n’ouvre ſes rideaus qu’à onze-heures ou midi) : Je te le dis, ét tu me repons : — Eſt-ce qu’il en-peut avoir ? un Homme né pour lui-ſeul, qui ſe-facrifie tout, qui veut tout faire-ſervir à ſes plaisirs-… Ma foi ! le voila trait-pour-trait ; je crais voir m.r Parangon. Sa Famme eſt-ici ; elle n’a-pas voulu quitter Urſule ; et Tiénnette y-eſt avec