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Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/234

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45.me) (Edmond, à D’Arras.

[Sa corruption commence à ſe-manifeſter, quoiqu’il marque encore des ſentimens, ét un bon cœur. Mais depuis le mariage qu’il a-fait, ét pour lequel il a-falu manquer de delicateſſe, il marche à-grands-pas dans le chemin du vice. Mes Enfans, ce n’eſt pas ſans-raison qu’on avait autrefois conſacré ce que nos Étourdis nomment aujourd’hui les préjugés ! ils ſont la ſauvegarde des mœurs, ét qui les reſpecte, a un mur entre le crime ét lui.]

1751, 20 janvier.


Me voici dans la maison paternelle, chèr Père : les plaisirs m’environnent, ét je m’y-livre ſans contrainte. Mafoi tu as-raison ! il faur jouir ; ce n’eſt pas manquer de réligion, que d’user des biéns que Dieu nous a-donnés : cette maxime, il eſt-vrai, peut mener-loin ! mais, cher Mentor, tu joins à cet art admirable, que tu as pour lever les ſcrupules, une prudence conſommée ; ainſi je m’yabandonne, ét je regarde ta connaiſſance comme le plus-grand bonheur qui me-pût arriver. Sans-toi, J’avais la ſotise de manquer un mariage qui me rend maître de vingt-cinqmille-écus ; ét pourguoi ? pour un prejugé de Village[1]… À-propos » eſt-il bién vrai que la Mère ét la Sœur-aînée vont prendre le voile, afin-que je ne me-repente pas du ſacrifice que je leur ai-fait ? Si elles craignent de m’incommoder, elles ont-tort ; je ne ſuis pas dur ; j’aime Ceux qui m’aiment ; c’eſt à elles à ſe-juger là-deſſus ; ét lorſque

  1. Mais qui tiént aux bonnes-mœurs, Infortuné, puiſqu’on te l’ôte pour commencer à te-corrompre !