1 decemb.
Mon chèr Frère : Je t’écris avant que tu
m’ayes-fait-reponſe, ét c’eſt pour me ſoulager ;
ét pour te dire que ton ſort eſt biéndiferent
du mién, ét que je te-porte-envie,
quoique je trouve ici des inſtructions que je
n’avais pas chés nous : car, comme j’ai du
temps de reſte, acause-que je ne ſais rién, je
me-ſuis-mis beaucoup à lire dans la bibliotèque
de m.r Parangon, où j’ai-trouvé des Livres
dont je n’avais-jamais-entendu parler.
C’eſt les Œuvres de Boileau, les Comedies
de Molière, étpuis des tragédies de Racine, de
Corneille ét de Voltaire. J’ai-lu ces Livres-là
avec un ſi-grand-plaisir, qu’ils m’ont-fait-paſſer
ſur tous mes desagremens d’ici. Les
ſoirées après-ſouper, comme il ne fait pas
bon-ſortir, ét que je ne connais Perſone, je
prens un Livre, ét je lis tout-haut à la Cuisinière,
qui me paraît prendre beaucoup
de plaisir aux tragedies, principalement à
celles de l’Auteur nommé Racine ; ét une
de ces tragedies intitulée Fèdre, la fit-bién-pleurer,
ét moi auſſi, un de ces jours.
Mais ces amusemens-là ne peuvent pas
durer toute la journées ét il ſ’y-rencontre
des momens bién-durs ! Ah ! mon Pierre !
tu vis ſatiſtait, toi, dans les lieux où nous
ſommes-nés, tu es-libre, ét tu ne te creuses