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Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/62

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que toutes les Femmes y-étaient-jolies ; ét ce n’eſt que depuis quelque-temps, que je puis en-faire unpeu la difference.

Pour revenir à m.lle Manon, elle a-dit à Tiénnette, que je commençais à me former, ét que je ſerais un-jour un beau-Garſon… Enſuite elle lui a-fait mille queſtions adraites, pour ſavoir ſi je lui en-contais. Tiénnette a-dit, que non, ét que j’étais un Garſon bién-ſage, qui n’employait qu’à la lecture tous mes inſtans-de-loisir. M.lle Manon a-repondu, que c’était bién ; ét que j’avais-tort de craire qu’elle m’en-voulait. — Ô mondieu, mademoiselle, a-repondu Tiénnette, il ne le crait pas ; il ne parle jamais de vous qu’en-bons termes : eſt-ce que Quelqu’un vous aurait-dit qu’il ſe plaint de vous ? — Non, non :… je le trouve ſeulement trop-timide ;… on dirait qu’il me craint… dites-lui que ſ’il me parlait, je ne le mangerais pas-. Tiénnette n’a-pas-manqué de me rapporter tout cela, mon Pierre.

Dans l’aprèsmidi, m.lle Manon était ſeule dans la falle, quand j’y-ſuis-deſcendu pour aler à l’attelier. Elle eſt-venue regarder mes deſſins : ét comme elle apprend auſſi, ét qu’elle eſt-beaucoup-plus-avancée que moi, elle m’a-bonnement donné quelques avis. Il n’eſt rién qui ait tant de pouvoir ſur mon cœur, que les douces paroles ét les bonnes-manières : J’étais tout-hors de moi, lorſque, par-hasard, ſon piéd a-posé ſur le