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l’abbé d Olivet, envoyer un opéra en Canada[1], et il sera chanté à Québec, note pour note, et sur le même ton qu’à Paris : mais on ne saurait envoyer une phrase de conversation à bordeaux ou à Montpellier, et faire qu’elle y soit prononcée, syllabe pour syllabe, comme à la cour. »

« Quoiqu’il y ait ici un mélange de toutes les provinces de France, on ne saurait distinguer le parler d’aucune d’elles dans les (provinces) canadiennes », écrivait de son côté l’annaliste Baqueville de la Poterie.

Quelques auteurs contemporains partagent ce point de vue et parlent du Canada comme du dernier asile de la pure langue et de la bonne prononciation françaises. « Ce n’est pas le français du Canada qui a dégénéré, écrit l’un d’eux (le rév. J. Roy) ; c’est le français de Paris qui, pressé par l’influence croissante de l’accent des basses classes, a abandonné sa vieille prononciation pour en adopter une qui est encore plus éloignée que celle du Canada des sources du latin mérovingien et du latin des soldats de César… Au point de vue philologique, le français du Canada est plus pur que celui de Paris. »

D’autre part, à entendre le banc des pessimistes, il faudrait presque désespérer de l’avenir de notre langue au Canada. Frappés de certaines différences de prononciation qui existent dans le son de certaines syllabes dans la bouche du peuple ; choqués de certaines façons de parler triviales qui s’y sont introduites ; outrés des anglicismes qui ont, en trop

  1. L’usage prévaut aujourd’hui en France de dire : « aller au Canada, séjourner au Canada, » comme nous disons : aller au Japon, séjourner au Brésil. Cependant l’expression : « en Canada », usitée couramment encore par les Canadiens français, nous paraît également correcte et peut être défendue, non seulement par l’exemple de d’Olivet, de Champlain, de Lescarbot et des autres auteurs du XVIIe siècle qui écrivaient : « retour en Canada », « arrivée en Hochelaga », etc., comme ils disaient : « aller en Alger » ; mais par les locutions analogues qui sont encore employées en France, même pour des noms de pays masculins. Rien n’empêche, en effet, qu’on n’écrive aujourd’hui : « aller en Danemark, voyager en Portugal, en Haïti », etc.