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qu’on recherchait en eux, c’était avant tout les qualités solides et résistantes de leur caractère et de leur foi ; c’était aussi leur esprit d’initiative et d’industrie, leurs arts manuels, leurs méthodes d’agriculture. Guillaume III pensa notamment que ces agriculteurs intelligents pourraient acclimater en Amérique la vigne, le mûrier et toutes les productions du sol de la France, et, dans cette pensée, il expédia à ses frais, en Virginie, un grand nombre de Huguenots qui se laissèrent attirer par la beauté d’un climat qu’on leur vantait à l’excès. À ce premier noyau se réunirent, à l’époque où nous sommes parvenus (1699) et dans les années suivantes, environ six cents familles du même pays et de la même foi. Les protestants français, de l’aveu de l’auteur que nous citons et qui n’est pas suspect de partialité à leur égard[1], donnaient à toutes les provinces américaines où ils se fixaient une garantie de paix et d’ordre qu’on appréciait. Leurs villages, presque sans contact avec le reste du monde, semblaient des oasis dans le désert. Ce ne fut pas, d’ailleurs, la faute de ces héroïques réfugiés, s’ils furent perdus pour leur patrie. Qui croirait, — si l’on ne savait la force du lien qui rattachait, malgré tout, les Huguenots à leur inhospitalière patrie, — qu’ils firent tout ce qu’ils purent pour rentrer sous l’obéissance du roi qui les avait si cruellement traités ? Oui, tant leur désir était de vivre et de mourir, fût-ce

  1. Carlier : Ibid. p. 288. Notons encore que des neufs présidents de l’ancien congrès qui dirigèrent les États-Unis pendant la guerre de l’Indépendance, trois descendaient de réfugiés huguenots, savoir Henri Laurens, de la Caroline du Sud, le célèbre Jean Jay, de New-York et Élie Boudinot, de New-Jersey. On sait aussi que le regretté président Garfield descendait par sa mère de réfugiés français.