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tants dans l’administration et dans la magistrature. Mais les griefs des Canadiens français étaient trop nombreux pour être apaisés à si bon compte. « …Nous avons bu la coupe jusqu’à la lie, s’écriait dans le Canadien un publiciste de talent, M. Étienne Parent. Depuis un demi-siècle, nous sommes abreuvés d’amertume ; on peut nous faire endurer plus que nous n’avons souffert, nous sommes familiers avec les souffrances et nous les redoutons moins que le déshonneur… Ces réflexions ne sont pas les divagations d’une imagination échauffée ; c’est l’expression fidèle et réfléchie du sentiment qui anime un demi-million d’hommes dans le Bas-Canada. L’appât des faveurs a pu amollir quelques courages, mais la masse de la population ne fléchira jamais. Le soleil du pouvoir pourra dessécher quelques rameaux, mais l’arbre conservera toujours sa sève et sa verdeur. »

Le nouveau gouverneur convoqua les Chambres pour le 8 septembre 1842. Dans l’intervalle de la dernière session, le parti libéral avait été renforcé dans les deux Canadas par un certain nombre d’élections partielles. Grâce à ces nouvelles recrues, l’opposition était en état de livrer au ministère un vigoureux assaut. Pour en détourner la menace, le gouverneur fit appel à M. Lafontaine, le chef reconnu des Canadiens français, et lui demanda d’entrer dans le cabinet, de concert avec les conservateurs anglais qui y figuraient déjà. M. Lafontaine eut la fermeté de refuser. Il avait lutté jusque-là avec les réformistes du Haut-Canada ; c’était avec eux seuls qu’il voulait arriver aux affaires. Il fallut en passer par là. M. Lafontaine fut chargé de composer lui-même et à titre de premier ministre le nouveau