Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/388

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mons de la Colombie, peu faits aux nouveautés de la civilisation se refusaient obstinément à mordre aux hameçons perfectionnés. De dépit, le noble pêcheur écrivit à Londres que tout ce pays ne valait pas la peine qu’on se querellât pour le conserver, et son frère le premier ministre s’empressa de suivre ce conseil désintéressé. Se non è vero, è ben trovato ; ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui encore tous les habitants de la Colombie anglaise sont convaincus de l’authenticité de cette histoire. Si le grand fleuve Orégon n’est pas la limite méridionale de leur province au lieu de la ridicule ligne quarante-neuvième, si les colonies naissantes du Puget-Sound et tout le territoire actuel de Washington ont passé sous la bannière étoilée, tout cela, disent-ils, tient uniquement à ce que les saumons du pays n’ont point su comprendre tout l’honneur que leur faisait le frère du premier d’Angleterre, en daignant les prendre de sa propre main. On sait que depuis la récente décision arbitrale de l’empereur Guillaume, dans l’affaire de l’île San-Juan, les Anglais n’ont même plus la possession exclusive du détroit le plus rapproché des côtes de leur colonie de Vancouver[1]. »

  1. Quoique les Canadiens aient encore assez de terres inhabitées pour ne savoir qu’en faire, ces petites amputations territoriales consommées sans leur intervention, presque à leur insu, et par des négociateurs le plus souvent ignorants de leurs intérêts, ont piqué au vif leur amour-propre national. La métropole l’a senti, et lors du traité de Washington où la question des pêcheries du golfe Saint-Laurent devait être débattue, en même temps que le règlement des déprédations de l’Alabama, elle adjoignit un homme d’État canadien sir J.-A. Macdonald, à son plénipotentiaire ordinaire. C’est un précédent important et un pas de plus vers la reconnaissance formelle du droit du Canada à intervenir dans toute négociation internationale