Page:R.-J. Haüy - Traité élémentaire de physique - 1803 - Vol 1.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

suite d’un préjugé de cet organe gâté par l’habitude, et dont il parviendroit à se désabuser, en se familiarisant avec l’autre, et en laissant agir la nature, qui bientôt reprendroit tous ses droits.

Cependant la raison qui se tire de la simplicité des rapports paroîtra l’emporter, si l’on considère que cette simplicité est liée avec la facilité de percevoir les intervalles entre les sons, laquelle influe à son tour sur le plaisir de l’oreille. C’est pour cela que l’octave est l’accord qui plaît le plus généralement, et qu’ensuite l’accord parfait, composé de la quinte et de la tierce, trouve un accès si facile dans toutes les oreilles qui ne sont pas sauvages à l’égard de l’harmonie. Or, c’est dans cet accord et dans celui d’octave, ainsi que nous l’avons vu, qu’est puisée notre gamme. On s’est arrêté à ces limites, par une espèce d’instinct, et antérieurement à toute étude des propriétés harmoniques du corps sonore. Ce n’est pas que l’oreille compare des nombres ; cette comparaison est uniquement du ressort de l’esprit ; mais la simplicité de ces nombres tient à un effet physique, savoir, la fréquence des rentrées que font les vibrations des sons comparés, lequel effet semble trouver dans l’organe même une disposition, en vertu de laquelle il s’accommode mieux de ce qui est plus simple, parce qu’il a moins à travailler pour le saisir.

361. L’art, en prenant des intermédiaires entre les sons suggérés par la nature, a répandu une grande variété dans les effets de l’harmonie et de la mélodie, et il est parvenu, par l’ingénieux enchaînement des dissonances et des consonnances, à faire tourner au plaisir de l’oreille, ce qui ne sembloit propre qu’à la chagriner.