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AU CREUX DES SILLONS

Bon An, le paradis à la fin de vos jours. Ensuite on buvait à la santé de la nouvelle année et l’on repartait, la troupe augmentée des gens de la maison, pour aller chez les autres voisins. C’étaient, dans la neige du chemin, des cris de joie, des plaisanteries, des exclamations, des bousculades. Les femmes avaient les joues avivées par le froid, les hommes étaient légèrement gris par le vin qu’on venait de prendre ; tous étaient joyeux d’un bonheur enfantin.

Les Corriveau et les Lamarre s’étaient évités. Pendant la journée, Jeanne était allée offrir ses souhaits à une voisine. Paul s’y trouvait. C’était le rendez-vous qu’on s’était donné. Les gens de la maison, en voyant Jeanne arriver épièrent curieusement les deux jeunes gens pour voir comment se passerait l’entretien. Avec la grâce la plus naturelle du monde, Jeanne, après avoir salué le maître et la maîtresse de la maison, s’était approchée de Paul, la main tendue. Celui-ci s’était levé, avait pris la main de la jeune fille, l’avait attirée vers lui et embrassée religieusement.

« Jeanne, dit-il tout bas, avec émotion, je souhaite en ce jour que nos deux familles s’aiment comme nous nous aimons. »

— Et moi Paul, je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez.

— « Je le trouve en vous ».

Ce qui devait être dit avait été dit. Leurs âmes leur avaient été révélées et leur confiance avait pris son essor. Jusqu’aux Rois, ce fut une série de fêtes, de repas et d’amusements. C’étaient des jours donnés à l’amitié et à la joie.

Ce temps passa et peu à peu les hommes reprirent leur besogne d’hiver. Il fallait soigner les bêtes, finir de battre le grain et couper le bois pour la prochaine saison.