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AU GRÉ DES FLOTS

Au Gré des Flots


I


Tout le pays était en liesse. On célébrait l’Assomption, fête patronale des pêcheurs. Le soleil versait des flots de lumière sur les quais et sur les grèves. D’un bout à l’autre du Cap Breton, dans toutes les chaumières on se préparait à ces réjouissances.

Déjà, la veille, les pêcheurs les moins éloignés avaient cinglé vers le port. Du rivage on avait commencé par voir à l’horizon des points à peine perceptibles, de petites voiles blanches qui ressemblaient à des ailes de mouettes à fleur d’eau. Elles s’étaient vite approchées gonflées par une brise favorable. Du village les femmes et les enfants les reconnaissaient déjà et les nommaient. Elles avaient abordé les unes après les autres, jeté l’ancre, et de beaux pêcheurs dans leur costume de toile cirée avaient lestement sauté sur le quai, embrassés par leurs femmes et leurs enfants, amarré leurs bateaux et débarqué leur poisson. Ils en avaient beaucoup, de grandes morues argentées, les ouïes saignantes. Vite les femmes les avaient éventrées, vidées, lavées, salées, et mises à sécher sur des claires-voies.

Dans le village on hâtait les préparatifs de la fête. On mettait partout des pavillons. Les coups de marteau des ouvriers qui élevaient les estrades d’où les orateurs parleraient et où les jeunes gens danseraient, se répercutaient de loin en loin, d’un côté dans les profondeurs des montagnes, et de l’autre à la surface lisse de l’Océan.