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Page:Raîche - Les dépaysés, c1929.djvu/26

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les dépaysés

fant est une cire malléable qu’il faut modeler avec un soin infini, que rien ne remplace l’éducation première, et qu’en somme, l’éducation c’est tout l’homme.

En arrivant, elle avait bien trouvé l’école un peu délabrée, mais elle était si contente d’avoir une classe, qu’elle pensa qu’en l’embellissant de son mieux et la tenant bien propre, l’école aurait encore bon air. Elle trouva quelque chose à reprendre dans les conditions hygiéniques de la maison, mais elle ne voulut pas paraître exigeante, et elle se contenta de demander aux commissaires qu’ils remplaçassent le seau où buvaient les enfants ; il était moisi et ne semblait pas très sanitaire. On lui répondit que les enfants y avaient toujours bu et personne n’en était mort.

La petite institutrice ne se découragea pas. Elle songea qu’en écurant le seau le mieux qu’elle pût, il serait encore assez bon. Et puis, elle était peut-être allée trop loin et avait trop demandé. Elle voulut toutefois qu’à sa première journée de classe la salle eut un air de fête. Elle avait mis sur les murs quelques images pieuses et quelques paysages qu’elle avait découpés dans des revues illustrées, et, sur son pupitre, un bouquet de fleurs des champs.

Les enfants arrivèrent le regard narquois, les petits garçons les mains dans leurs poches, les petites filles la coite pendante. Ils regardaient la maîtresse de côté, comme une ennemie. Elle ne voulut rien voir de ce petit manège. Elle fit la prière d’ouverture, dit de tout son cœur l’invocation au Saint-Esprit d’éclairer elle et ses élèves, et commença sa classe. Elle leur déclara simplement qu’elle n’avait qu’une ambition, celle qu’ils fissent une bonne an-