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les dépaysés

De sorte que l’incurie de l’arrondissement tournait à son préjudice.

La petite institutrice n’était plus la même personne. Les chagrins, les déboires, l’état insalubre de l’école, le froid, un rhume persistant avaient considérablement altéré sa santé ; elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Ce n’était que par un reste de vaillance qu’elle continuait de vaquer à son ingrate besogne. Mais elle n’était pas à bout des infamies.

Un soir du mois de janvier, Pierre Valois, fils d’un des commissaires, un grand garçon de vingt ans, était allé passer la soirée chez un ami. Vers les dix heures, il revenait à travers les champs pour raccourcir sa route, et débouchait dans le sentier qui conduisait de l’école au grand chemin. À ce moment, Lebouc et sa femme qui rentraient au village en traîneau, passaient devant l’école. Ils virent dans l’ombre un homme qui marchait à grands pas dans ce sentier et ils crurent qu’il venait de l’école.

— Quoi ! un homme qui vient de l’école, dit Lebouc à sa femme.

— Cela ne m’étonne pas, répondit-elle. Une fille qui enseigne des chansonnettes aux enfants et les fait périr de froid par paresse est bien capable de recevoir des hommes à cette heure.

Le lendemain, dimanche, à la sortie de la messe, la nouvelle vola de bouche en bouche… de groupe en groupe. On avait vu un homme sortir de l’école assez tard dans la soirée. Il avait été vu par Lebouc et sa femme, des gens dignes de foi. La rumeur fit le tour de la paroisse comme une traînée de poudre.

L’institutrice eut beau nier, protester, on lui dit sans se gêner qu’elle était menteuse. Ce fut le