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les dépaysés

secret au fond de son cœur sachant qu’il serait assez tôt dévoilé. Elle était heureuse jusqu’à l’absorption de tout son être dans un monde nouveau.

Le jeudi de cette semaine fut une journée torride. À midi, l’air était enflammé par un soleil de plomb et impitoyable. Les bêtes haletaient épuisées de chaleur, cherchaient de la fraîcheur dans les rivières et au creux des vallées. Tous les insectes se dérobaient derrière des brins d’herbe qui leur servaient de parasols. C’était dans la nature un affaissement général. Seuls les hommes devaient travailler pour mettre à l’abri ce qui était fauché. Paul était de ceux-là. Il fallait sauver la récolte, car cette chaleur et ce calme annonçaient l’orage. Les hommes en sueur et assoiffés allaient se rafraîchir à une petite source. Paul y alla plusieurs fois et but sans s’inquiéter davantage. On finissait le travail quand l’orage éclata prompt comme l’éclair. Encore loin de la maison, on rentra trempé jusqu’aux os. Après cette journée d’intense chaleur la pluie était froide. En se mettant au lit, Paul frissonna et se sentit fiévreux, mais ne se douta pas que ce pût être grave. Au milieu de la nuit, il s’éveilla avec une forte fièvre et n’éveilla personne. Le matin, il était trop malade pour se lever. On appela le médecin. Il n’eut pas de difficulté à diagnostiquer une pleurésie foudroyante. Le mal progressait d’une façon alarmante, et Jeanne ne savait encore rien. Ce ne fut que le soir du vendredi que ses frères, intrigués par les allées et venues de leurs voisins, allèrent se renseigner et vinrent lui dire que Paul était malade, sans préciser davantage. Elle se sentit subitement angoissée, mais ne croyait pas à un danger prochain. Or, cette nuit, le mal prit une tournure si grave que le jeune hom-