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les dépaysés

et d’autres des pattes si longues pour leur corps svelte. Quelquefois, ils s’arrêtaient pour se saluer du bruit de leurs antennes et reprenaient bien vite leur tâche. Des couleuvres toutes couvertes de joailleries couraient silencieusement sur ce tapis moelleux. Elles s’arrêtaient appuyées sur le bout de leur queue et exploraient l’espace. Elles étaient belles comme des rivières de perles. Après s’être orientées, elle reprenaient leur course ondulante dans cet océan de verdure. Il y avait aussi des grenouilles, vertes émeraudes sautant à la poursuite de moucherons qu’elles engluaient de leur langue pâteuse. Lorsqu’elles étaient bien repues, elles s’arrêtaient, la respiration langoureuse, les yeux en extase au soleil clarillonnant. Quand le soir venait, elles regagnaient les étangs pour orchestrer le poème de la nuit. Les oiseaux aussi étaient bien affairés. Un d’eux, sans doute, contait des histoires bien gaillardes, car c’était dans les arbres un fou rire.

Les foins allaient atteindre leur maturité. Le vieillard avait cherché partout des hommes pour l’aider, mais il n’avait trouvé personne. Tous les bras valides étaient partis, et ceux qui restaient ne pouvaient guère suffire à la besogne de leurs propres travaux. Le vieillard se mit courageusement au travail. Lorsque les faux chantaient à tous les coins de l’horizon, on pouvait voir un vieillard se démenant dans des prairies de foin qui l’inondait de leur opulence.

Malgré ses efforts, il ne put tout l’engranger ; beaucoup fut perdu dans les champs, gâté par les pluies. Il en fut de même de la moisson des grains. Que d’épis perdus, parce que il n’y eut pas de bras vigoureux pour les faucher !