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les dépaysés

et la figure du bonhomme s’épanouit. « Si jamais je découvre le gaillard, je l’amène à l’un des meilleurs restaurants de la ville et lui fais faire la fête de sa vie. »

La bonhomie de ce petit vieillard grassouillet me plaît.

Mon ami qui est un jeune écrivain me dit le lendemain : « La Société des Auteurs a une réunion cet après-midi. Je vous amène. Vous y verrez un curieux assemblage d’êtres humains. » Quand nous arrivons, la salle est déjà pleine d’hommes et de femmes qui causent debout. On commence le programme. Il y a d’abord la lecture d’un poème très long par un ministre protestant de la Californie. Lorsqu’il a fini il vient me trouver pour me faire mille compliments sur le Canada qu’il n’a pas vu. Je lui en fais autant de son poème que je n’ai pas compris, et nous sommes quittes.

Un jeune romancier nous lit ensuite un conte dont le héros principal est un chien étonnant. Le programme officiel est fini. On sert le thé et on cause. Je rencontre une jeune femme qui me dit être la réincarnation d’une princesse japonaise. « Je crois avoir déjà vécu il y a trois mille ans. » Je le voudrais aussi et je lui laisse toutes ses illusions. D’ailleurs j’ai un peu peur, je n’aime pas converser avec les revenants.

Mon ami me le disait bien qu’il y aurait de curieuses gens à cette assemblée. Il me présente à un poète fort chevelu qui nous raconte ce qu’il appelle “His last thrilling experience”. Ces jours derniers il était allé à la campagne se promener dans la forêt. Il devint si conscient de l’effarante présence des dieux qu’il fût pris, littéralement pris de panique.