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les dépaysés

lant pour l’élève de travailler sous de tels maîtres. Je ne m’arrête pas aux nombreux programmes qu’on y enseigne. Je passe à l’enseignement du français qui m’intéresse plus directement. Le cours français y est d’une rare qualité. Je converse avec des élèves qui l’ont suivi. Leur facilité de s’exprimer m’étonne tout autant que leurs connaissances de notre littérature, de nos auteurs et de nos mouvements littéraires. Ils ont lu tout ce qui vaut la peine d’être lu. Pour cela leurs professeurs sont d’une précieuse assistance. Je rentre à mon hôtel encouragé par ce que j’ai vu et entendu. Je regrette que les catholiques américains de langue anglaise fassent si peu pour imiter leurs compatriotes les protestants. Dans leurs universités que j’ai visitées, j’ai trouvé le français fort mal enseigné, sans aucune facilité de lecture.

Le dîner allait se passer sans incidents, quand un vieux monsieur, aux cheveux longs retombant sur ses épaules, que je prends pour un artiste, met le feu à la nappe en allumant son cigare. Heureusement le garçon de table éteint l’incendie et me dit :

« C’est un habitué, un écrivain, qui met le feu comme cela de temps à autre. Il est distrait. Ils sont inouïs ces hommes de lettres. »

Il y a déjà plus de deux mois que nous sommes partis. Nous décidons donc de rentrer au pays le plus tôt possible. Nous traversons la frontière. Nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver un bien-être envahissant à l’idée que notre voyage touche à sa fin sans encombre et sans tracasseries trop grandes. Quelqu’un a dit : « C’est beau de partir mais c’est encore plus beau de revenir. » Sans vouloir lui donner raison, il ne se trompait pas tout à fait.