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les dépaysés

ment de feuillage tressé et partit. L’aurore se levait pour embrasser la cime des arbres.

Il marcha sans savoir où il allait, il marcha deux fois trois heures. À son passage, les fauves fuyaient sur le feutre de mousse avec des éblouissements de lumière sur leur pelage. Des scarabées se cachaient derrière des pyramides faites de brins d’herbe pour le regarder de leur œil étoilé.

Bientôt il rencontra une louve qui se glissait comme un rayon dans une grotte de verdure. Il la suivit. Au fond une clarté luisait plus douce que la caresse d’un enfant. Il va heurter à une porte. On l’invite à entrer. C’est Sanctius, beau vieillard blanc. Ils s’embrassent, se reconnaissent, s’appellent par leur nom, bien qu’ils ne se fussent jamais vus.

Qu’est-ce que la perfection ? dit Sévérius. Sanctius étendit les mains, semblables à dix lampes allumées.

« Aimer, dit-il, aimer Dieu et ses créatures en Lui, par Lui et pour Lui. »

Sévérius courba sa tête diaphane et comprit qu’il s’était égaré dans la vie.

Il s’affaissa. Sanctius lui offrit l’ouverture d’une outre d’eau qui glouglouta d’allégresse à l’union qu’elle allait consommer ; elle ne baigna que des lèvres mortes.

Sanctius mit le blanc toucher de ses mains sur ces paupières cerclées d’une ombre et dit :

« La perfection est dans la discrétion des vertus et un amour sans mesure de Dieu. »