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Page:Raban - Justine, ou Les malheurs de la vertu, 1836.djvu/13

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INTRODUCTION.

plus de la moitié de la besogne ; c’est la misère, ce sont les privations de toute espèce, les souffrances physiques et morales qui enfantent presque tous les crimes. Que faites-vous pour guérir ces malades que la fièvre du désespoir a égarés ? Vous les jetez dans une sentine de vices ; vous obéissez à la colère au lieu d’écouter la raison. Ces malheureux n’ont été coupables qu’une fois, vous les condamnez à l’être toujours ; parce qu’ils ont eu faim et froid, vous voulez qu’ils aient toujours froid et faim ; et alors vous criez bien fort que vous êtes des gens de bien !… Je vous dis, moi, que la plupart des infortunés dont vous peuplez les bagnes vaudraient mieux que vous, s’ils avaient comme vous les pieds chauds en hiver et l’estomac garni, de frais ombrages en été, et de l’or pour satisfaire leurs goûts.

L’aspect de notre civilisation est hideux pour quiconque pense et sent ; une réforme complète est indispensable ; à qui devra-t-on ce bienfait ?

Ce n’est pas nous, chétif avocat de l’humanité souffrante, qui avons la prétention de changer la face du monde moral ; nous avons voulu prouver seulement que, grâce à l’état actuel de la société, à