Aller au contenu

Page:Raban - Justine, ou Les malheurs de la vertu, 1836.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
DEUX MONSTRES.

les gens qui te veulent du bien ; ton esprit saturé de bigotisme te fait voir sous un jour épouvantable les choses les plus simples, et tu n’es pas éloignée de croire que la vertu d’une femme consiste à souffrir. Crois-moi, ma bonne sœur, nous ne sommes pas créées pour vivre avec des anges ; en nous jetant sur cette terre, la Providence nous a donné la volonté et les moyens d’y vivre dans l’abondance. C’est par les conséquences que l’on peut juger de la bonté du principe ; vois donc où tes principes t’ont menée. Pauvre folle ! penses-tu qu’en restant vierge, ou qu’en cessant de l’être à telle condition plutôt qu’à telle autre, tu rendras le monde meilleur ? La somme du mal sera-t-elle moins forte lorsque tu auras passé ta vie dans les larmes et la misère ? Tu te crois un être raisonnable, et tu es persuadée que quelques soupirs et des baisers constituent un crime abominable !