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Page:Raban - Justine, ou Les malheurs de la vertu, 1836.djvu/615

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JUSTINE.

Cependant l’horizon politique s’obscurcissait, le numéraire devenait rare ; il fallait que j’écrivisse dix lettres à mon chargé de pouvoirs pour en obtenir quelques misérables centaines de francs. La marquise commença par être triste, puis elle devint maussade. Pour comble, l’orage acheva d’éclater ; le roi était prisonnier, les émigrés mis hors la loi. Je fus considéré comme émigré ; mes biens furent confisqués et vendus au profit de la nation, et je me trouvai, en un instant, ruiné de fond en comble.

Ce malheur, en me plongeant dans les plus tristes réflexions, m’enleva le reste d’amour que j’avais pour la marquise. Je commençai à la regarder comme un meuble qui m’appartenait ; je l’avais achetée gros, il me parut tout naturel d’en disposer à ma guise ; je la vendis donc le plus cher possible à un colonel de dragons qui en était devenu éperdument amoureux…