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ce que vit ambroise et ce qu’il entendit.

fait ce que nous avons dû ; à présent, c’est à Dieu à les convaincre. » — « C’est-à-dire, mon révérend père, que tant de violences, de massacres, de punitions, n’ont abouti qu’à faire un grand nombre d’hypocrites ? c’est acheter de mauvais sujets un peu cher, et je vous jure que je les aimerais mieux bons protestants que mauvais catholiques. » — « Monsieur, si les pères sont des hypocrites, les enfants seront de vrais croyants. » — « J’en doute, mon révérend père ; jamais les hommes ne sont plus attachés à leurs opinions que lorsqu’on veut les leur ôter. Nous soupçonnons que ceux qui veulent nous engager, par la force, à adopter leur croyance, n’ont pas de meilleurs arguments à nous alléguer ; et la violence qu’ils nous font pour nous faire embrasser leur doctrine nous semble un aveu de la supériorité de la nôtre. Ils seront donc d’autant plus attachés à leurs opinions que l’on aura plus fait pour les engager à les quitter. Et pensez-vous que dans l’intérieur des maisons ils n’instruiront pas leurs enfants dans cette religion, que dans le cœur ils n’ont point abjurée ? Voyez ce malheureux dont on traîne aujourd’hui le cadavre dans nos rues ; il savait le sort qui l’attendait ; il n’ignorait point quelle ignominie est attachée à ce supplice ; et cependant la force de la conviction le lui a fait braver. » — « Eh bien ! monsieur, » reprit l’homme noir, « cet exemple instruira les autres et les effraiera ; et quand nous n’obtiendrions