Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/44

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de certain au moins, c’est que la morale des prêtres et celle des hommes les plus grands et les plus vertueux de la république, différaient en des points très graves, comme celui du suicide ; car sans cela comment admettre que Caton et Brutus se fussent plongé leur épée dans le sein aux applaudissemens universels de tout ce que le monde avait alors d’illustre ? Certes, Caton n’était pas un impie : lorsque César, dans le sénat, cherche à détruire le dogme consolant d’une vie future, Caton le réprimande avec une âpre ironie et finit par lui dire qu’il est un mauvais citoyen. Enfin certaines circonstances de son suicide prouvent combien l’âme de ce grand homme était éminemment religieuse : au rapport des historiens, il passa la nuit qui précéda son suicide à lire le Traité de l’immortalité de l’âme de Platon. L’abbé Delille a lui-même rendu cette situation en très beaux vers, dans ce dithyrambe qu’il eut le courage de composer à une époque funeste et terrible à tous les hommes qui croyaient en Dieu et à la liberté.


Ainsi quand tout fléchit dans le monde,
Hors la grande âme de Caton,
Immobile, il entend la tempête qui gronde
Et tient, en méditant l’éternité profonde,
Son poignard d’une main, et de l’autre Platon !


Que conclure de ce trait particulier de la morale des prêtres ? Une chose toute simple : c’est que dans