Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les temps, ils ont voulu exercer sur la volonté de l’homme un empire illimité, et prescrire la mort ou la vie suivant qu’il pouvait convenir à leurs intérêts. Ne perdons pas de vue que la théocratie a été le premier de tous les gouvernemens, et que dans l’origine des sociétés les rois étaient pontifes. Or, dans ces temps primitifs où la terre n’était pas peuplée, la puissance des monarques ne pouvait consister que dans le nombre de leurs sujets. Cependant le caractère de leur tyrannie, en faisant beaucoup de malheureux, devait familiariser les hommes avec l’idée de la mort et la leur rendre souhaitable. Il devait donc arriver souvent qu’ils voulussent se soustraire à leurs fers par le trépas, et de là naquit nécessairement l’opinion inventée par les prêtres que le suicide était un crime abominable devant Dieu.

Mais comme les injonctions religieuses étaient loin de suffire ou du moins qu’elles ne purent pas suffire long-temps, il fallut que la législation civile vînt à leur aide avec son cortége effrayant de supplices et de bourreaux. Comment atteindre pourtant l’homme qui vient de se précipiter dans la profondeur du tombeau ? On dirait que l’impuissance des législateurs s’est quelquefois tournée en rage, surtout lorsqu’ils ont obéi aux inspirations des prêtres. Il est impossible de donner un nom plus convenable à l’esprit de ces dispositions pénales, qui jadis, chez la