Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/57

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demain après boyre comme entendez prindrent chemin, Gargantua, son precepteur Ponocrates et ses gens, ensemble eulx Eudemon le ieune page. Et par ce que c'estoyt en temps serain et bien attrempé, son père luy feist faire des botes fauves. Babin les nomme brodequins. Ainsi ioyeusement passerent leur grand chemin : et tousiours grand chere : iusques au dessus de Orleans. On quel lieu estoyt une ample forest de la longueur de trente et cinq lieues & de largeur dix & sept ou environ. Icelle estoyt horriblement fertile & copieuse en mousches bovines & freslons : en sorte que c'estoyt une vraye briguanderye pour les paouvres iumens, asnes, & chevaulx. Mais la iument de Gargantua vengea honestement tous les oultrages en ycelle perpetrées sur les bestes de son espece, par un tour, du quel ne se doubtoient mie. Car soubdain quilz feurent entrez en la dicte forest : et que les freslons luy eurent livré l’assault, elle desguaina sa queue : et si bien s’escarmouschant les esmouscha, qu’elle en abatyt tout le boys, à tords, à travers, decza, dela, par cy, par la, de lon, de large, dessuz, dessoubz, abatoyt boys comme un fauscheur faict d’herbes. En sorte que depuis n’y eut ne boys ne freslons. Mais feut tout le pays reduict en campaigne. Quoy voyant Gargantua, y print plaisir bien grand, sans