foins ; mais las ! ils n’en mâchent plus. Nous, de présent, les nommons mâche-levreaux, mâche-perdrix, mâche-bécasses, mâche-faisans, mâche-poulets, mâche-chevreaux, mâche-connils[1], mâche-cochons, d’autres viandes ne sont alimentés.
— Bren, bren, dit frère Jean ; l’année prochaine on les nommera mâche-étrons, mâche-foires, mâche-merdes. Me voulez-vous croire ?
— Oui-da, répondit la brigade.
— Faisons, dit-il, deux choses. Premièrement, saisissons-nous de tout ce gibier que voyez ci ; aussi bien suis-je fâché[2] de salures : elles m’échauffent les hypocondres. J’entends le bien payant. Secondement, retournons au guichet, et mettons à sac tous ces diables de chats fourrés.
— Sans faute, dit Panurge, je n’y vais pas : je suis un peu couard de ma nature. »
COMMENT FRÈRE JEAN DES ENTOMMEURES DÉLIBÈRE[3] METTRE À SAC LES CHATS FOURRÉS.
Vertu de froc, dit frère Jean, quel voyage ici faisons-nous ? C’est voyage de foirards : nous ne faisons que vesser, que péter, que fianter, que ravasser[4], que rien faire. Cordieu, ce n’est mon naturel : si toujours quelque acte héroïque ne fais, la nuit je ne peux dormir. Donc vous m’avez en compagnon pris pour en cetui voyage messe chanter et confesser ? Pâques de soles, le premier qui y viendra, il aura en pénitence soi comme lâche et méchant jeter au fond de la mer, en déduction des peines du purgatoire, je dis la tête la première. Qui a mis Hercules en bruit et renommée sempiternelle ? N’est-ce qu’il, pérégrinant[5] par le monde, mettait les peuples hors de tyrannie, hors d’erreur, des dangers et angaries[6] ? Il mettait à mort tous les brigands, tous les monstres, tous les serpents vénéneux et bêtes malfaisantes. Pourquoi ne suivons-nous son exemple, et, comme il faisait, ne faisons-nous en toutes les contrées que passons ? Il défit les Stymphalides, l’hydre de Lerne, Cacus, Anthéus, les Centaures. Je ne suis pas clerc : les clercs le disent. À son imitation, défaisons et mettons à sac ces chats fourrés : ce sont tiercelets[7] de diables, et délivrons ce pays de tyrannie. Je renie Mahon, si j’étais aussi fort et aussi puissant qu’il était,