Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
chapitre i.

peuples pillant, forçant, angariant, ruinant, mal vexant, & regissant auecques verges de fer : brief les peuples mangeant & deuorant, en la façon que Homere appelle le roy inique Demouore[1], c’est à dire mangeur de peuple. Ie ne vous allegueray à ce propous les histoires antiques, seulement vous reuocqueray en recordation de ce qu’en ont veu vos pères, & vous mesmes, si trop ieunes n’estez. Comme enfant nouuellement né, les fault alaicter, berser, esiouir. Comme arbre nouuellement plantée, les fault appuyer, asceurer, defendre de toutes vimeres, iniures, & calamitez. Comme personne saulué de longue & forte maladie, & venent à conualescence, les fault choyer, espargner, restaurer. De sorte qu’ilz conçoipuent en soy ceste opinion, n’estre on monde Roy ne Prince, que moins voulsissent ennemy, plus optassent amy. Ainsi Osiris[2] le grand roy des Ægyptiens toute la terre conquesta : non tant à force d’armes, que par soulaigement des angaries, enseignemens de bien & salubrement viure, loix commodes, gratieuseté & biensfaicts. Pourtant du monde feut il surnommé le grand roy Euergetes (c’est à dire le bienfaicteur) par le commandement de Iuppiter faict à vne Pamyle. De faict Hesiode en sa Hierarchie[3] colloque les bons Dæmons (appellez les si voulez Anges ou Genies) comme moyens & mediateurs des Dieux & homes : superieurs des homes, inferieurs des Dieux. Et pource que par leurs mains nous aduiennent les richesses & biens du Ciel, & sont continuellement enuers nous bienfaisans, tousiours du mal nous præseruent : les dict estre en office de Roys : comme bien tousiours faire, iamais mal, estant acte vnicquement Royal. Ainsi feut empereur de l’vniuers Alexandre Macedon. Ainsi feut par Hercules tout le

  1. Éd. de 1546 : Δεμοϐορον C’est Achille qui nomme Agamemnon : Δημοϐόρος βασιλεὺς. (Iliade. I. 231.)
  2. Voyez Plutarque, Isis et Osiris.
  3. « C’est la ThéogonieHésiode traite de la généalogie des dieux, » dit Burgaud des Marets ; mais, en réalité, le passage auquel Rabelais fait allusion se trouve dans Les Travaux et les jours, V. 124.