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le tiers livre.

continent poſſedé, les humains ſoullageant des monſtres, oppreſſions, exactions, & tyrannies : en bon traictement les gouuernant : en æquité & iuſtice les maintenant : en benigne police & loix conuenentes à l’aſſieté des contrées les inſtituent : ſuppliant à ce que defailloit : ce que abondoit aualluant : & pardonnant tout le paſſé, auecques oubliance ſempiternelle de toutes offenſes præcedentes, comme eſtoit la Amneſtie des Atheniens, lors que feurent par la proueſſe & induſtrie de Thraſybulus les tyrans exterminez : depuys en Rome expoſée par Ciceron[1], & renouuellée ſoubs l’empereur Aurelian.

Ce ſont les philtres, Iynges, & attraictz d’amour, moienans lequelz pacificquement on retient, ce que peniblement on avoit conqueſté. Et plus en heur ne peut le conquerant regner, ſoit roy, ſoit prince ou philoſophe, que faiſant Iuſtice à Vertus ſucceder. Sa Vertu eſt apparue en la victoire & conqueſte : ſa iuſtice apparoiſtra en ce que par la volunté & bonne affection du peuple donnera loix : publiera edictz, eſtablira religions, fera droict à vn chaſcun : comme de Octauian Auguſte dict le noble poëte Maro[2].

Il estoit victeur, par le vouloir
Des gens vaincuz, faiſoit les loix valoir.

C’eſt pourquoy Homere en ſon Iliade[3], les bons princes & grands Roys appelle ϰοσμήτορας λαῶν, c’eſt à dire : ornateurs de peuples. Telle eſtoit la conſideration de Numa Pompilus, Roy ſecond des Romains iuſte, politic, & philoſophe, quand il ordonna au Dieu Terme, le iour de ſa feſte, qu’on nommoit Terminales, rien n’eſtre ſacrifié, qui euſt prins mort : nous enſeignant, que les termes, frontieres, & annexes

  1. Par Ciceron. « Athenensiumque renovavi vetus exemplum, Græcum etiam verbum usurpavi, quo tum in sedandis discordiis erat usa civitas illa. » (Philippique, I., 1)
  2. Le noble poëte Maro.

    …Victorque volentes
    Per populos dat jura.

    (Géorgiques, iv, 561)
  3. Homere en ſon Iliade. Voyez I, 375, et III, 236.