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chapitre v

Gebarim nous ſerions honorificquement repceuz & traictez par le Roy Ohabé dominateur d’icelle terre. Lequel & tous ſes ſubiectz pareillement parlent languaige François Tourangeau.

Ce pendent que nous entendions ces nouuelles, Panurge print debat auecques vn marchant de Taillebourg, nommé Dindenault, L’occaſion du debat feut telle. Ce Dindenault voyant Panurge ſans braguette auecques ſes lunettes attachées au bonnet, diſt de luy à ſes compaignons. Voyez là vne belle medaille de Coqu. Panurge à cauſe de ſes lunettes oyoit des aureilles beaucoup plus clair que de couſtume. Doncques entendent ce propous demanda au marchant. Comment diable ſeroys ie coqu, qui ne ſuys encores marié, comme tu es, ſcelon que iuger ie peuz à ta troigne mal gracieuſe ?

Ouy vrayement, reſpondit le marchant, ie le ſuys : & ne vouldrois ne l’eſtre pour toutes les lunettes d’Europe : non pour toutes les bezicles d’Afrique. Car i’ay vne des plus belles, plus aduenentes, plus honeſtes, plus prudes femmes en mariage, qui ſoit en tout le pays de Xantonge : & n’en deſplaiſe aux aultres. Ie luy porte de mon voyage vne belle & de vnze poulſees longue branche de Coural rouge, pour ſes eſtrènes. Qu’en as tu à faire ? Dequoy te meſlez tu ? Qui es tu ? Dont es tu ? O lunettier de l’Antichriſt, Reſponds ſi tu es de Dieu.

Ie te demande, diſt Panurge, ſi par conſentement & conuenence de tous les elemens i’auoys ſacſacbezuezinemaſſé tant belle, tant aduenente, tant honeſte, tant preude femme, de mode que le roydde Dieu des iardins Priapus, lequel icy habite en liberté, ſubiection forcluſe de braguettes attachées, luy feuſt on corps demeuré, en tel deſaſtre, que ia-