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Page:Rabelais marty-laveaux 03.djvu/21

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chapitre i

contredit eſt heretique & ne luy fault rien que le feu. Sans faute, pater, diſt Panurge, eſtant ſur mer ie crains beaucoup plus eſtre mouillé que chauffé, & eſtre noyé que bruſlé. Bien ieuſnons de par dieu, mais i’ay par ſy long temps ieuſné que les ieuſnes m’ont ſappé toute la chair, & crains beaucoup qu’en fin les baſtions de mon corps viennent en deſcadence. Autre peur ay-ie d’auantage, c’eſt de vous faſcher en ieuſnant, car ie n’y ſcay rien, & y ay mauuaiſe grace comme pluſieurs m’ont affermé, & ie les croy de ma part, di-ie, bien peu me ſoucie de ieuſner, il n’eſt choſe tant facile & tant à main, bien plus me ſoucie de ne ieuſner point à l’aduenir, car là il fault auoir dequoy drapper, & dequoy mettre au moulin. Ieuſnons de par dieu, puis qu’entrez ſommes es feries eſuriales, ia long temps a que ne les recognoiſſois. Et ſi ieuſner faut, dit Pantagruel, expediant auſtre n’y eſt, fors nous en deſpecher comme d’vn mauuais chemin. Auſſi bien veux-ie vn peu viſiter mes papiers, & entendre ſi l’eſtude marine eſt auſſi bonne comme la terrienne. Pour ce que Platon voulant deſcrire vn homme niais, impent & ignorant, le compare à gens nourris en mer de dans les nauires, comme nous dirions à gens nourris dedans vn baril, qui onques ne regarderent que par vn trou.

Nos ſenſues furent terribles & bien eſpouuentables, car le premier iour nous ieuſnaſmes à battons rompus, le ſecond à eſpees rabatues, le tiers à fer eſmoulu, le quart à feu & à ſang. Telle effort l’ordonnance des Fees.