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Page:Rabelais marty-laveaux 03.djvu/22

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Comment l’Iſle ſonnante auoit eſté habitee par les
Siticines lesquels eſtoyent deuenus oiſeaux[1].


Chapitre II.


Nos ieuſnes paracheuez l’hermite nous bailla vne lettre adreſſante à vn qu’il nommoit Albian camat[2], maiſtre Aeditue[3] de l’Iſle ſonnante, mais Panurge le ſaluant l’appela maiſtre Antitus. C’eſtoit vn petit bon-homme vieux, chauue, à muzeau bien enluminé, & face cramoiſie. Il nous fiſt treſque bon recueil par la recommandation de l’hermite, entendant qu’auions ieuſné comme a eſté declaré. Apres auoir treſ-bien repeu nous expoſa les ſingularitez de l’Iſle, affermant qu’elle auoit premierement eſté habitee par les Siticines, mais par ordre de nature comme toutes choſes varient ils eſtoient deuenus oiſeaux. Là i’eus pleine intelligence de ce qu’Atteius Capito, Pollux, Marcellus, A. Geſtius, Athenæus, Suidas, Ammonius, & autres auoyent eſcrit des Siticines & Sicinniſtes[4], & difficile ne nous ſembla croire les transformations de Nyctimene, Progne, Itys, Alcmene, Antigone, Tereus, & autres oiſeaux. Peu auſſi de

  1. Les Siticines leſquels eſtoyent deuenus oiſeaux. « Toute cette fiction de moines et de prêtres, qui de siticines étaient devenus oiseaux, est tirée du Mirabilis liber, où on lit, première partie, folio 191 : « Aues chriſtianos ſignificant religioſos. » (Le Motteux)
  2. Albian camat. Ms. : Abihen Camar.
  3. Aeditue. Du latin ædituus, sacristain.
  4. Siticines & Sicinniſtes. Chantres des funérailles. « Nos autem in Capitonis Attei conjectaneis invenimus siticines appellatos, qui apud sitos canere soliti essent, hoc est vita functos et sepultos ; eosque habuisse proprium genus tubæ… Quos sicinistas vulgus dicit, qui rectius locuti sunt sicinnistas, littera n gemina, dixerunt. Sicianium enim genus veteris saltationis fuit. Saltabundi autem canebant qua ; nunc stantes canunt. » (Aulu Gelle, XX, 2 et 3)