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almanach povr l’an 1535

ſur l’aduenir, ains entendre que ceux, qui ont en art redigé les longues experiences des Aſtres, ont ainſi decreté comme ie le deſcrits. Cela que peut ce eſtre ? moins certes que neant. Car Hippocrates dit, Aphor. i. Vita breuis, Ars longa[1]. De l’homme la vie eſt trop brieue, le ſens trop fragile, & l’entendement trop diſtrait pour comprendre choſes tant eſloignées de nous. C’eſt ce que Socrates diſoit en ſes communs deuis, Quæ supra nos, nihil ad nos[2]. Reſte doncques que ſuiuans le conſeil de Platon in Gorgia ou mieux la doctrine Euangelique, Matth. 6, nous deportons de cette curieuſe inquiſition au gouuernement & decret inuariable de Dieu tout puiſſant, qui tout a creé & diſpenſé ſelon ſon ſacré arbitre : ſupplions & requierons ſa ſainte volonté eſtre continuellement parfaite tant au ciel comme en la terre. Sommairement vous expoſant de cette année ce que i’ay peu extraire des Auteurs en l’art, Grecs, Arabes, & Latins, nous commencerons en cette année ſentir partie de l’infelicité de la conionction de Saturne & Mars, qui fut l’an paſſe, & ſera l’an prochain le xxv de May. De ſorte qu’en cette année ſeront ſeulement les machinations, menées, fondemens, & ſemences du malheur ſuiuant : Si bon temps auons, ce ſera outre la promeſſe des Aſtres : Si paix, ce ſera non par defaut d’inclination & entrepriſe de guerre, mais par faute d’occaſion. Ce eſt qu’ilz diſent. Ie dis quant eſt de moy, que ſi les Roys, Princes, & communitez Chriſtianes ont en reuerence la diuine parole de Dieu, & ſelon icelle gouuernent ſoy & leurs ſuiets, nous ne veiſmes de noſtre aage année plus ſalubre es corps, plus paiſible és ames, plus fertile en biens, que ſera cette-cy, & voirons la face du ciel, la veſture de la terre, & le maintien du peuple, ioyeux,

  1. Vita… longa. « La vie est courte, l’art est long. »
  2. Quæ… nos. « Ce qui est au-dessus de nous n’est rien pour nous. »
    Dans une de ses lettres (t. III, p. 346), Rabelais dit : « Ie vous envoye auſſi vn Almanach pour l’an qui vient 1536. » Il s’agit sans doute de l’un des siens ; mais il ne nous en reste rien, pas même le titre.